Le 17 octobre 2024, le Tribunal Judiciaire de Paris a rendu son jugement dans une affaire opposant la société Sales Factory Data à la société Am Data et ses trois associés. Sales Factory Data accusait Am Data d’avoir copié et réutilisé une partie substantielle de sa base de données « BMA », qui recense les garages automobiles. Le tribunal a donné partiellement raison à Sales Factory Data, reconnaissant la contrefaçon pour les données relatives aux garages indépendants, mais pas pour celles relatives aux garages sous enseigne.

La protection de la base de données « BMA »

Le tribunal a d’abord rappelé les conditions de protection des bases de données par le droit sui generis, en se référant aux articles L. 341-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. Il a ainsi reconnu la qualité de producteur de la base de données à Sales Factory Data, qui a apporté la preuve d’investissements substantiels, notamment en personnel, pour la constitution et la vérification de sa base de données.

Le tribunal a également jugé que la protection de 15 ans n’était pas expirée au regard des investissements substantiels réalisés en 2020 pour la mise à jour de la base « BMA ».

La preuve de la contrefaçon

Le tribunal s’est appuyé sur le rapport d’expertise pour établir la contrefaçon. L’expert a constaté que la base de données « AM Data » reprenait un nombre significatif d’adresses « pièges » figurant dans la base « BMA » et que de nombreuses adresses de garages indépendants étaient communes aux deux bases.

Le tribunal a donc conclu que Am Data avait réutilisé une partie substantielle de la base « BMA » relative aux garages indépendants, et que cette réutilisation était également le fait des trois associés d’Am Data.

L’étendue de la contrefaçon

Cependant, le tribunal a considéré que la contrefaçon n’était pas établie pour les données relatives aux garages sous enseigne, l’expert n’ayant pas pu démontrer une captation de ces données.

Le préjudice et les sanctions

Le tribunal a condamné Am Data et ses associés à payer 40 000 euros de dommages et intérêts à Sales Factory Data pour la contrefaçon des données relatives aux garages indépendants. Il a également interdit à Am Data d’utiliser ces données et ordonné leur suppression de la base « AM Data » et de tout autre support.

Le tribunal a en outre ordonné la publication du dispositif du jugement dans la presse et sur le site internet d’Am Data.

Ce jugement rappelle l’importance de la protection des bases de données et la nécessité pour les entreprises de se prémunir contre les actes de contrefaçon. Il montre également que les tribunaux français sont attentifs à la protection du droit sui generis des producteurs de bases de données.

La difficulté de justifier le préjudice

Bien que Sales Factory Data ait obtenu gain de cause en partie, son argumentation présentait certaines lacunes qui ont limité l’étendue de la condamnation d’Am Data.

  • Manque de précision sur les missions des salariés: Sales Factory Data a justifié des dépenses de personnel importantes pour la constitution et la mise à jour de sa base de données. Cependant, les justificatifs fournis ne permettaient pas de vérifier avec précision les missions confiées aux salariés. Le tribunal a ainsi considéré que ces dépenses ne pouvaient pas être considérées comme un investissement substantiel .
  • Difficulté à établir le lien entre la contrefaçon et la perte de chiffre d’affaires: Sales Factory Data a invoqué une perte de chiffre d’affaires importante depuis l’arrivée d’Am Data sur le marché. Toutefois, le tribunal a estimé qu’il n’était pas possible de démontrer que cette baisse était intégralement et directement liée à la captation des données. La société n’a pas pu individualiser les bénéfices réalisés grâce à la base « BMA » et d’autres facteurs, comme la crise sanitaire, ont pu impacter son activité .
  • Preuve insuffisante du préjudice moral: Sales Factory Data a prétendu avoir subi un préjudice moral en raison de la dégradation de son image et de la banalisation de sa base de données. Le tribunal a rejeté cet argument, estimant que la banalisation de la base n’était pas démontrée et que les agissements d’Am Data n’avaient pas dégradé l’image de Sales Factory Data .

Ces lacunes ont conduit le tribunal à accorder des dommages et intérêts moins importants que ceux demandés par Sales Factory Data. Le tribunal a également rejeté la demande de condamnation pour concurrence déloyale et parasitaire, présentée à titre subsidiaire.

Voir aussi :

Le droit des bases de données