Elle peut se comparer à la saisie sur compte bancaire, puisque des écritures bancaires peuvent se comparer à des actifs immatériels, ou encore à la saisie de créances, de parts sociales, d’instruments financiers…
Néanmoins, alors que la saisie de compte empêche l’utilisation au moins partielle du compte, et à terme, permet le transfert des liquidités, la saisie des autres immatériels pose la question de la valoraisation de l’actif : je saisis l’actif mais pour en faire quoi ?
Faire bloquer un site web à la suite de poursuites civiles, administratives ou pénales, c’est sanctionner un acteur en fermant ou en modifiant le site.
Mais dans l’objectif de la saisie, il s’agit, à la suite d’une condamnation pécuniaire à dommages-intérêts, de réellement donner de la vigueur à la décision de justice en saisissant des actifs situés en France en cas de non-exécution spontanée de la décision, c’est-à-dire en cas de non-paiement en espèces sonnantes et trébuchantes du montant de la condamnation.
Questions : quelle valeur attribuer à l’actif ? sa revente a-t-elle un intérêt ?, puis-je réellement mettre la main sur des serveurs localisés à l’étranger ?
La réponse à ces questions pourra se situer dans la décomposition de l’actif immatériel en plusieurs sous-actifs, et de repérer les sous-actifs les plus intéressants : la marque, le nom de domaine, la base de données, les droits d’auteur, les créances, etc…
En matière pénale, les textes prévoient déjà la possibilité pour les autorités de saisir rapidement les crypto-monnaies. Mais là encore la crypto-monnaie peut se dévaluer rapidement : la saisie d’une « monnaie de singe » devient sans intérêt.
Face à ces questions, on s’interrogera sur la voie à employer : la voie civile ou la voie pénale.
La voie pénale (penser par exemple à l’infraction de contrefaçon) pourra aboutir à une confiscation à condition que le bien confisqué ait, en principe, un lien avec une infraction. La confiscation d’un site peut à ce titre s’avérer un objectif intéressant car aboutissant au blocage du site (à titre de peine complémentaire à celle d’amende ou d’emprisonnement). L’article 706-39 du code de procédure pénale, permettant l’expulsion de l’exploitant d’un fonds de commerce, est à relever. Noter aussi l’article 706-164 du code de procédure pénale qui permet que le paiement des dommages-intérêts alloués aux parties civiles soit effectué sur les biens confisqués. Etant donné que la mesure de confiscation est une mesure énergique et diligentée par une agence d’Etat, l’AGRASC (quand celle-ci a la main sur le bien), la voie pénale n’est donc pas à négliger.
La voie civile pourra aussi aboutir, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond, par application de la LCEN (article 6.I.8) ou du code de la propriété intellectuelle (article L336-2), ou d’autres textes civils, à un blocage de site, si le site web est lié à la faute (mesures d’injonction).
Mais, dans l’objectif plus indirect de faire pression pour obtenir un paiement, la saisie pourra se heurter à une impossibilité de saisir ou de revendre le bien, d’évaluer le bien ; la menace d’une saisie dans l’objectif de fermer un site, de le rendre inutilisable, de le brader et non de le revendre, peut constituer une menace importante pour le détenteur du site, quand le site génère un chiffre d’affaires par son pouvoir d’attraction de clientèle. En effet, dans cette hypothèse, ce n’est pas la valeur du site elle-même (par exemple le coût de développement) qui présente le plus d’intérêt, mais le revenu escompté généré par le site,. Par conséquent, c’est bien la menance d’une fermeture du site qui a un intérêt, beaucoup plus que la menace de son hypothétique revente.
La saisie civile des créances du détenteur de site sur la plateforme de paiement peut être une piste intéressante.