I. Introduction au droit pénal des affaires

Le droit pénal des affaires constitue un pan essentiel du droit pénal français, répondant à la nécessité de réprimer les comportements délictueux affectant la vie économique. Il englobe un ensemble d’infractions commises dans le cadre de l’activité professionnelle ou commerciale, portant atteinte à l’ordre public économique ou à la confiance des partenaires économiques.

Ce domaine du droit vise à garantir la loyauté des échanges commerciaux, la transparence de l’information financière, la sincérité des pratiques entrepreneuriales et la protection des acteurs économiques. Il se situe à l’intersection de plusieurs branches du droit, comme le droit des sociétés, le droit fiscal, le droit du travail, le droit de la consommation, et intègre des exigences de conformité croissantes, notamment en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment ou la fraude. Les enjeux peuvent être considérables, tant en termes d’image que de responsabilités pénales pour les dirigeants et les personnes morales.

II. Les infractions économiques et financières générales

A. L’escroquerie

Article 313-1 du Code pénal : Lien Légifrance

Elle suppose la réunion de trois éléments constitutifs : une manœuvre frauduleuse, un préjudice, et un lien de causalité entre les deux. Elle peut prendre des formes variées : promesse mensongère, faux documents, usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité. En matière d’affaires, l’escroquerie peut viser un partenaire commercial, un organisme public (fraude à la subvention), ou les consommateurs.

B. L’abus de confiance

Article 314-1 du Code pénal : Lien Légifrance

La remise initiale du bien ou des fonds est consentie de bonne foi. Ce délit sanctionne notamment les dirigeants de sociétés qui détournent des fonds de leurs clients ou des partenaires commerciaux, dans des cadres contractuels apparemment licites. La jurisprudence reconnaît la pluralité de victimes et des circonstances aggravantes peuvent alourdir les peines.

C. Le blanchiment

Article 324-1 du Code pénal : Lien Légifrance

Il comprend l’aide à la dissimulation ou à la conversion de l’origine des biens provenant d’un crime ou d’un délit. Il peut être commis de manière directe ou indirecte (banques, cabinets de conseil, plateformes d’investissement). Sa répression est facilitée par la coopération internationale, la surveillance des flux financiers et la déclaration de soupçons auprès de TRACFIN.

III. Les infractions boursières

A. Le délit d’initié

Article L465-1 du Code monétaire et financier : Lien Légifrance

Le délit d’initié sanctionne l’exploitation d’informations privilégiées avant leur diffusion au public. Ces informations doivent être précises, non publiques, et susceptibles d’influencer les cours. Les personnes concernées peuvent être des dirigeants, salariés, mais aussi des prestataires ou des journalistes ayant eu accès à ces données.

B. La manipulation de cours

Article L465-3-2 CMF : Lien Légifrance

Elle comprend les fausses rumeurs, les achats simulés, ou les ordres sans intention réelle d’exécution. L’objectif est d’induire le marché en erreur, de créer une illusion de liquidité ou de volume. L’Autorité des marchés financiers peut engager des sanctions administratives ou transmettre au parquet pour poursuites pénales.

IV. Les infractions en droit des sociétés

A. L’abus de biens sociaux

Articles L241-3, L242-6 du Code de commerce : Lien Légifrance

Ce délit vise les dirigeants qui utilisent les moyens ou le crédit de la société à des fins étrangères à l’objet social ou contraires à son intérêt. Il est souvent détecté à l’occasion de procédures collectives, de contrôles fiscaux ou de contentieux entre associés. La jurisprudence sanctionne aussi bien les dépenses somptuaires que les rémunérations excessives déguisées.

B. La présentation de comptes inexacts

La sincérité et la régularité des comptes sociaux sont des obligations légales. La présentation de comptes infidèles peut dissimuler des pertes, gonfler des actifs, ou masquer des détournements. Cette infraction est souvent associée à d’autres délits, tels que l’escroquerie ou le blanchiment.

V. Les infractions fiscales

A. La fraude fiscale

Article 1741 du Code général des impôts : Lien Légifrance

Elle est caractérisée par la volonté d’éluder l’impôt par divers procédés : omissions volontaires, dissimulation d’activités ou d’éléments d’imposition, abus de droit, usage de sociétés écrans. Elle peut être aggravée par la récidive, la bande organisée, ou l’interposition de structures à l’étranger.

B. Carrousel de TVA et fausses factures

Les fraudes à la TVA en circuit fermé sont très surveillées par la DGFiP et font souvent l’objet de poursuites pour blanchiment aggravé. La production ou l’usage de fausses factures sont des délits autonomes. La jurisprudence admet la responsabilité des donneurs d’ordres qui ferment les yeux sur ces pratiques.

VI. Les infractions sociales et du travail

A. Travail dissimulé

Articles L8221-3 et s. du Code du travail : Lien Légifrance

Il peut résulter d’une absence de déclaration préalable à l’embauche, d’une dissimulation d’heures, ou du recours à des travailleurs non déclarés. Ces pratiques visent à éluder cotisations sociales et normes du droit du travail. Les entreprises encourent aussi des sanctions administratives et la perte d’aides publiques.

B. Prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage

Article L8241-1 du Code du travail

Le prêt de main-d’œuvre n’est licite que dans un cadre précis (intérim, groupement d’employeurs). Le marchandage, c’est-à-dire la mise à disposition illicite dans un but lucratif, est puni pénalement. Ces infractions sont fréquentes dans les secteurs du BTP, du nettoyage, ou du transport.

VII. Infractions à la probité et à la transparence

A. Corruption

Articles 433-1 et suivants, 435-1 et suivants du Code pénal

La corruption peut être active (offre, promesse) ou passive (acceptation, sollicitation). Elle concerne aussi bien les agents publics français qu’étrangers, ainsi que les acteurs privés. La loi Sapin II a renforcé les obligations de prévention (plan de conformité, alerte interne, cartographie des risques).

B. Prise illégale d’intérêts, trafic d’influence, favoritisme

Ces délits visent à garantir l’impartialité des agents publics et l’équité des procédures d’attribution de marchés. Ils sont sévèrement sanctionnés, même en cas d’avantages non réalisés, dès lors qu’un conflit d’intérêts peut être caractérisé.

VIII. Les infractions en droit de la consommation

A. Pratiques commerciales trompeuses

Article L121-1 du Code de la consommation

La publicité mensongère, la dissimulation d’un défaut, ou la vente sous contrainte constituent des pratiques interdites. Les associations de consommateurs peuvent se constituer partie civile et demander réparation pour les victimes.

B. Tromperie sur la qualité des produits

Article L441-1 du Code de la consommation

Les infractions portent sur la composition, l’origine, ou les caractéristiques essentielles des biens vendus. Elles sont particulièrement surveillées dans les domaines agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique.

IX. Les infractions cyber-économiques

A. Atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données

Articles 323-1 et suivants du Code pénal

Ce sont les intrusions non autorisées, les entraves au fonctionnement, la suppression ou la modification de données. Les entreprises victimes peuvent déposer plainte directement ou via le procureur de la République. La CNIL peut être saisie en parallèle pour manquement à la sécurité des données personnelles.

B. Escroqueries numériques et usurpation d’identité

Le phishing, la fraude à la carte bancaire ou les arnaques aux faux ordres de virement (FOVI) constituent des variantes contemporaines de l’escroquerie classique. Les cybercriminels peuvent agir depuis l’étranger, nécessitant une coopération judiciaire européenne ou internationale.

Voir aussi les stratégies relatives à la propriété intellectuelle

Voir aussi les stratégies relatives aux délits de presse