La publicité constitue une composante majeure de la stratégie commerciale des entreprises, mais elle est strictement encadrée par le Code de la consommation, le Code pénal et diverses réglementations sectorielles. Ce droit s’est considérablement enrichi avec l’essor de la communication numérique, des influenceurs, des plateformes et des algorithmes promotionnels. Les infractions publicitaires mêlent droit de la consommation, droit pénal, et enjeux éthiques.
L’objectif de cet article est d’examiner de manière exhaustive les principaux délits en matière de publicité, les pratiques visées, les canaux numériques impliqués et les stratégies de défense possibles, tant pour les annonceurs que pour les plateformes et agences.
I. Cadre légal et infractions pénales principales
1. Publicité trompeuse ou mensongère (articles L121-2 à L121-5 C. conso)
Une publicité est trompeuse si elle contient :
Des informations fausses ou de nature à induire en erreur,
Des omissions d’éléments essentiels,
Des affirmations invérifiables ou suggestives trompeuses.
Exemples :
Fausse réduction de prix (« -70 % » sans preuve du prix antérieur réel),
Références scientifiques fictives (« cliniquement prouvé »),
Images manipulées non signalées.
Sanctions :
2 ans d’emprisonnement,
300 000 € d’amende,
Majorations jusqu’à 10 % du CA moyen annuel.
2. Publicité interdite
Certains produits ne peuvent faire l’objet de publicité :
Tabac et cigarette électronique (loi Evin, art. L3511-3 CSP),
Alcool : publicité très encadrée (art. L3323-2 CSP),
Médicaments non autorisés,
Jeux d’argent ou de hasard : interdits aux mineurs, restrictions horaires et de formats.
3. Publicité agressive (L121-6 C. conso)
Comportement de harcèlement ou de pression répétée. Fréquente dans le démarchage téléphonique, le retargeting intrusif ou les sollicitations répétées.
II. Les nouvelles formes de communication commerciale
1. Influenceurs et réseaux sociaux
L’influence commerciale par des tiers est réglementée :
Obligation d’indiquer le caractère publicitaire d’un contenu (mention « partenariat » ou « sponsorisé »),
Responsabilité partagée entre l’influenceur et la marque.
Cas récents :
DGCCRF, 2023 : sanctions contre plusieurs influenceurs pour promotion de produits financiers risqués sans avertissement.
ARPP : campagne de sensibilisation avec YouTube et Instagram sur la transparence des placements de produit.
2. Publicité algorithmique et ciblage
Les publicités personnalisées sont licites sous réserve de :
Consentement préalable RGPD,
Transparence de l’annonceur sur les critères,
Non-discrimination algorithmique (ex : ne pas exclure certaines origines ou statuts sociaux).
Les plateformes (Meta, Google Ads) sont de plus en plus tenues d’assurer cette conformité.
III. Jurisprudence récente (2022–2024)
1. Cas de publicité trompeuse
CA Paris, 2023 : condamnation d’un site e-commerce pour promotion fictive (« dernière pièce en stock », alors que produit non expédié).
TJ Lyon, 2022 : publicité nutritionnelle mensongère pour des compléments alimentaires vendus sur Amazon.
2. Influence commerciale non déclarée
TJ Paris, 2023 : condamnation d’une influenceuse beauté ayant promu une crème non autorisée sans divulgation du partenariat. Peine : 5 000 € d’amende, suppression des vidéos.
IV. Organismes de contrôle et sanctions
1. DGCCRF (Répression des fraudes)
Compétente pour constater les infractions,
Peut adresser des injonctions, amendes administratives, ou saisir le procureur,
Procède à des enquêtes sur les sites, marketplaces, réseaux sociaux.
2. ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité)
Émet des avis et recommandations,
Rôle pédagogique (charte influence, code de la publicité),
Peut saisir les juridictions civiles en cas de manquement répété.
3. Autorité judiciaire
En cas de plainte, le parquet peut poursuivre pour pratiques commerciales trompeuses ou agressives,
Possibilité de constituer une partie civile (association de consommateurs, concurrent lésé),
Rôle du juge civil en concurrence déloyale.
V. Défense et prévention : comment encadrer une campagne ?
1. Audit juridique préalable
Avant diffusion :
Vérifier les mentions légales, images, statistiques,
Justifier des références scientifiques ou certifications,
Obtenir l’accord explicite du client si témoignage utilisé.
2. Rédaction contractuelle avec les partenaires
Clause de transparence pour les influenceurs,
Clauses de non-déresponsabilisation abusive,
Droit de validation sur les contenus avant diffusion.
3. Conformité au RGPD
Consentement pour cookies et ciblage,
Droit d’opposition effectif,
Archivage des preuves de consentement.
VI. Publicité B2B, faux avis et enjeux concurrentiels
1. Faux avis clients
Création ou achat d’avis fictifs
Sanction possible au titre de pratiques commerciales trompeuses (article L121-4)
2. Usurpation d’identité commerciale
Utilisation de noms, logos ou slogans concurrents
Renvoyée souvent au contentieux de la concurrence déloyale
3. Plateformes comparatives
Comparateurs en ligne soumis à des règles spécifiques (neutralité, clarté, objectivité)
VII. Vers une harmonisation européenne et des obligations accrues
1. Directive Pratiques commerciales déloyales (UE)
Transposée en France, elle impose des standards minimums :
Interdiction des pratiques trompeuses et agressives
Liste noire des pratiques interdites
2. Digital Services Act (DSA)
Applicable depuis 2024 aux très grandes plateformes :
Obligation de diligence renforcée sur la publicité
Transparence algorithmique
Obligations de retrait de contenus illicites dans les 24 h
Voir aussi : les délits de presse