Dans un monde où les technologies évoluent à une vitesse fulgurante, les règles juridiques doivent suivre. L’Union européenne l’a bien compris, et sa nouvelle directive 2024/2853, adoptée le 23 octobre 2024, en est une parfaite illustration. Remplaçant une réglementation vieille de presque 40 ans, cette directive modernise en profondeur les principes de responsabilité en cas de dommages causés par des produits défectueux. Mais qu’apporte-t-elle concrètement, et pourquoi est-elle si importante ? Plongeons dans ses détails.


Une mise à jour incontournable à l’ère numérique

La précédente directive, datant de 1985, était un pilier de la protection des consommateurs en Europe. Cependant, elle montrait ses limites face aux transformations technologiques et économiques récentes. Les logiciels, l’intelligence artificielle (IA), l’économie circulaire ou encore les chaînes d’approvisionnement mondiales étaient autant de sujets qui ne trouvaient pas leur place dans ce cadre juridique obsolète.

Avec la directive 2024/2853, l’Union européenne se dote d’un texte ambitieux, taillé pour les défis du XXIe siècle. Son objectif ? Offrir une meilleure protection aux consommateurs tout en assurant un environnement clair et équitable pour les entreprises opérant dans le marché unique européen.


Les grandes nouveautés de la directive

1. Une définition élargie des produits

L’une des innovations majeures de cette directive est l’élargissement de la notion de produit. Désormais, elle inclut non seulement les objets physiques, mais aussi les logiciels et certains services numériques. Qu’ils soient intégrés dans un appareil (comme un système d’exploitation sur un smartphone) ou accessibles via le cloud, les logiciels sont maintenant considérés comme des produits pouvant engager la responsabilité du fabricant en cas de défaut.

Exemple concret : un algorithme défectueux sur une voiture autonome qui causerait un accident pourra désormais être juridiquement qualifié comme un « produit défectueux », et le fabricant pourrait être tenu responsable.

2. Responsabilité après la mise sur le marché

L’époque où un fabricant n’était plus concerné par son produit une fois vendu est révolue. Si un défaut apparaît après la mise sur le marché à cause d’une mise à jour ou d’un service contrôlé par le fabricant, ce dernier reste responsable. C’est une avancée significative dans le domaine des produits connectés, où les mises à jour logicielles jouent un rôle crucial pour la sécurité.


Un focus sur l’intelligence artificielle et la cybersécurité

IA : un acteur de plus en plus central

L’intelligence artificielle est omniprésente, des assistants vocaux aux dispositifs médicaux. La directive s’assure que l’IA est prise en compte dans les régulations, en clarifiant que ses défaillances peuvent également être traitées comme des défauts de produit. Cela encourage les entreprises à adopter ces technologies tout en maintenant un haut niveau de responsabilité et de sécurité.

Sécurité et vulnérabilités numériques

La cybersécurité, domaine autrefois marginal, devient un point central. Les fabricants sont désormais responsables des défauts liés aux vulnérabilités en cybersécurité qui auraient pu être corrigées via des mises à jour logicielles. Cette règle pousse les entreprises à anticiper les risques et à proposer des solutions sécurisées tout au long du cycle de vie du produit.


Une harmonisation au service des consommateurs

Des preuves plus accessibles

L’un des principaux obstacles pour les consommateurs dans les litiges liés aux produits défectueux est la difficulté à prouver la défectuosité ou le lien de causalité entre le produit et le dommage. La directive simplifie ce processus. Par exemple, si un dysfonctionnement évident se produit – comme une batterie qui explose dans des conditions normales d’utilisation –, la responsabilité du fabricant sera présumée, ce qui allège la charge de preuve pour la victime.

Des garanties renforcées pour les produits modifiés

Dans un contexte où l’économie circulaire prend de l’ampleur, la directive s’adapte. Les produits substantiellement modifiés, comme les appareils reconditionnés ou les véhicules remis à neuf, sont désormais considérés comme des produits « neufs ». Les entreprises responsables de ces modifications peuvent être tenues responsables des dommages causés, ce qui crée une incitation à respecter des normes strictes.


Une portée limitée mais stratégique

Exclusions spécifiques

Certaines situations échappent néanmoins à cette directive. Par exemple, les logiciels libres non commerciaux ou les dommages résultant d’accidents nucléaires restent en dehors de son champ d’application. De plus, seuls les produits mis sur le marché après le 9 décembre 2026 sont concernés, garantissant ainsi une transition progressive pour les entreprises.

Flexibilité pour les États membres

Bien que la directive harmonise largement les règles au sein de l’Union, les États membres conservent une certaine latitude. Ils peuvent, par exemple, introduire des règles supplémentaires pour certains types de produits ou prolonger la responsabilité en fonction de leurs priorités nationales, à condition que cela soit justifié et proportionné.


Impact sur les entreprises : plus de clarté, mais aussi plus de responsabilités

Pour les fabricants, importateurs et autres acteurs économiques, cette directive apporte des clarifications bienvenues, notamment dans des domaines émergents comme les plateformes en ligne et les chaînes d’approvisionnement complexes. Mais elle impose également de nouvelles obligations :

  • Responsabilité des prestataires de services : Les plateformes en ligne qui jouent un rôle actif dans la commercialisation d’un produit peuvent être tenues responsables si elles ne désignent pas rapidement un fabricant ou un importateur en cas de litige.
  • Suivi des produits : Les entreprises doivent garantir la sécurité de leurs produits tout au long de leur cycle de vie, y compris après leur vente.

Une avancée essentielle pour le marché unique européen

La directive 2024/2853 marque un tournant dans la régulation des produits au sein de l’Union européenne. Elle renforce la protection des consommateurs, clarifie les responsabilités des acteurs économiques, et anticipe les défis posés par les nouvelles technologies et modèles économiques.

Alors que l’économie numérique et circulaire continue de se développer, cette réforme positionne l’Europe comme un leader en matière de régulation responsable et innovante. Si les entreprises devront s’adapter à ces nouvelles exigences, les consommateurs, eux, bénéficieront d’un cadre protecteur, adapté aux réalités de notre époque.

Avec cette directive, l’Union européenne montre une fois de plus qu’elle est à l’avant-garde des politiques qui allient innovation, équité et sécurité. Et vous, êtes-vous prêts pour ce nouveau cadre ?

 

En écho, a été publié le 20 novembre 2024 le règlement (UE) 2024/2847 du 23 octobre 2024 concernant des exigences de cybersécurité horizontales pour les produits comportant des éléments numériques, et relatif à la sécurité pour les objets connectés :

Il s’agit des produits logiciels ou matériels et leurs solutions de traitement de données à distance, y compris les composants logiciels ou matériels mis sur le marché séparément, et de leurs incidences sur la santé et la sécurité des utilisateurs ; les fabricants doivent procéder à des évaluations et rapporter les vulnérabilités aux organismes dédiés (Centre de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT) et à l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA)). Ce règlement sera applicable à partir du 11 décembre 2027.

Voir aussi :

La règlementation IA