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Au nom de la transparence, de la lutte contre le blanchiment, et de la liberté de la presse, des consortiums de presse font profession de rechercher, en parallèle ou en amont d’enquêtes policières ou judiciaires, des flux financiers suspects.

Aussi, ils sont tendance à épingler des personnalités plus ou moins connues sur la base des documents publics qu’ils peuvent trouver sur internet.

Ces documents publics sont parfois issus de fuites de données, connues sous les noms de « Pandora papers », « Panama papers », etc…et aussi de registres officiels publics.

Ces organes de presse vont parfois vite en besogne et font des déductions hasardeuses, pour faire du scoop et racoler le lecteur, ou encore, de façon plus légitime, pour tenter de provoquer des éclaircissements sur une affaire.

Des personnes se voient ainsi publiquement suspectées puis fichées dans des bases de données partagées, telles que World-Check, sur lesquelles certaines banques, peu outillées en moyens d’investigation – et surtout désireuses de fermer des petits comptes (<3ME) peu lucratifs et à risque – , se précipitent pour vérifier si les comptes bancaires qu’elles détiennent n’impliquent pas des personnes visées par ces fichiers.

Elles s’empresseront de fermer ces comptes sans explication, et pourront ainsi justifier de leur conformité auprès des autorités de contrôle et de coopération internationale, sans trop dépenser.

L’ICIJ est l’un de ces consortiums de journalistes, et entend participer à la lutte contre la fraude fiscale et l’appauvrissement des Nations.

Ce type de consortium part de l’hypothèse que les gouvernements et les pouvoirs publics gèrent correctement l’argent public et qu’il n’y a en tout état de cause pas de justification à la fraude.  Personne ne contestera que la fraude est effectivement répréhensible en soi en ce qu’elle vise à se soustraire indûment à ses obligations légales, et que la fraude fiscale peut avoir pour effet d’appauvrir le contribuable consciencieux.

En revanche, l’opinion selon laquelle les pouvoirs publics ne sauraient provoquer une défiance légitime n’est malheureusement pas partagée.

Surtout, une personne peut prétendre être injustement victime des oukazes d’organes de presse, et se plaindre qu’elle n’a pas bénéficié des garanties qui lui sont dues dans le cadre des enquêtes menées par les autorités judiciaires ou administratives.

Il s’agit notamment des garanties de secret de l’enquête, de la présomption d’innocence, et de la possibilité d’être entendu impartialement avant qu’une condamnation soit prononcée.

Quels sont les recours de la personne injustement dénoncée contre les organes de presse ?

La personne dénoncée par la presse peut choisir de « communiquer » ou non, et susciter ainsi auprès du public telle ou telle image, selon sa situation.

Elle veillera à concilier sa communication avec les exigences du secret des enquêtes (prévu par exemple par l’ article 11.du code de procédure pénale français), ou d’autres secrets, notamment le secret des affaires, prévu par la directive (UE) 2016/943 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

Ainsi l’article 11 du code de procédure pénale français prévoit, dans sa version du 24 décembre 2021 :

Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.

Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 434-7-2 du code pénal.

Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Sur un plan juridique, le droit des pays européens offre un recours en diffamation contre les organes de presse, selon une procédure particulière.

On se réfèrera par exemple, pour le droit français, à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à son article 29 selon lequel :

Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

La protection de la vie privée peut aussi être recherchée, à travers, par exemple, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (ou Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950

Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour
autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans
une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au
bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions
pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés
d’autrui.

 

Quels sont les recours contre les bases de données ?

Le droit de la protection des données personnelles vise à sanctionner les traitements, en particulier informatiques, de données personnelles  qui portent atteinte aux libertés ou au consentement de la personne.

Ce droit peut être invoqué contre des fichiers et bases de données, des moteurs de recherche internet.

Les fichiers, registres, traitements, moteurs de recherche et autres bases de données qui rassemblent des données personnelles permettent de profiler la personne, parfois à son détriment.

En effet, une requête, dans la base, sur un nom ou une autre donnée personnelle, aboutira inévitablement à dresser un profil de la personne concernée, à y adjoindre une catégorie et tout éventuel avis négatif, public ou non, de source journalistique ou non, de source officielle ou non, selon le type de base que l’on consulte.

Le fichier, en tant qu’il permet un accès direct et instantané au profil d’une personne à partir du renseignement d’une de ses données personnelles, détient une capacité de nuisance qui peut être particulièrement cuisante quand la base de données est publique, sans restriction d’accès, non réservée à des autorités de police, comme peut l’être par exemple un moteur de recherche internet.

En droit de l’Union européenne, c’est le règlement (UE) 2016/679 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) qui prévoit le régime de protection des données personnelles.

Cette protection est assurée au moyen de recours juridictionnels et administratifs ouverts au citoyen, et aussi par l’initiative d’autorités dédiées pouvant agir en réseau (par exemple, en UE, réseau des autorités nationales de chacun des Etats-membres de l’UE).

Ce droit à la protection des données personnelles contient un « droit à l’oubli », prévu à l’article 17 du règlement, qui permet l’effacement des données personnelles.

Ce droit ne remet nullement en question la liberté d’expression de la presse mais permet de restreindre le traitement des données personnelles (autrement dit le « fichage de la personne ») quand les droits fondamentaux de la personne sont en jeu, notamment sa vie privée et sa sécurité.

Il convient donc de distinguer

d’une part :

  • « l’actualité » qui paraît spontanément sous forme de bulletin sur tel ou tel sujet, selon, précisément, l’actualité du moment, qui commande, et que la liberté d’expression entend favoriser,

et d’autre part :

  • le « traitement des données personnelles » dont l’exploitation suppose le renseignement préalable d’une donnée personnelle ; ici c’est le renseignement d’une donnée personnelle, et non l' »actualité », qui commande le résultat de recherche.

 

On te lynchera : le droit à l’oubli sur internet

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