Le défaut de précision du libellé (désignation des produits et des services) de la marque, qui peut aller jusqu’à reprendre le libéllé d’une classe, n’a pas vraiment d’impact sur la validité de la marque. En revanche ce défaut sera exploitable lors d’une action en déchéance de marque pour défaut d’exploitation pendant cinq ans.

CJUE, 4e ch., 29 janv. 2020, Sky PLC, C -371/18 –

Dans cet arrêt la CJUE confirme cette tendance lourde : le défaut de précision du libellé (désignation des produits et des services) de la marque, qui peut aller jusqu’à reprendre le libéllé d’une classe, n’a pas vraiment d’impact sur la validité de la marque. En revanche ce défaut sera exploitable lors d’une action en déchéance de marque pour défaut d’exploitation pendant cinq ans. Un titulaire de marque peut s’opposer à l’enregistrement d’une nouvelle marque qu’il estime trop proche de sa marque. Le déposant peut alors exiger que ce titulaire fasse la preuve d’un usage sérieux de sa marque antérieure (art.47 règlement UE 2017/1001). Cette preuve est plus ou moins lourde selon le degré d’homogénéité de la catégorie de produits ou de services considérée. T-126/03 – Reckitt Benckiser (España) / OHMI – Aladin (ALADIN)

La preuve de l’usage sérieux doit en principe porter sur l’intégralité des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée

TUE, 10 avr. 2024, T-161/23 :

Il résulte d’une lecture combinée de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que la preuve de l’usage sérieux doit en principe porter sur l’intégralité des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée. Si la preuve de l’usage sérieux n’est apportée que s’agissant d’une partie des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée et si les autres conditions prévues par l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 sont réunies, son titulaire peut être déclaré déchu de ses droits pour les produits ou les services pour lesquels il n’a pas apporté la preuve de l’usage sérieux, voire aucune preuve de l’usage du tout [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, August Storck/EUIPO – Chiquita Brands (Fruitfuls), T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615, point 21]. En effet, il convient de constater que le libellé de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 prévoit expressément que l’existence d’une cause de déchéance pour une partie seulement des produits ou des services entraîne une déclaration de déchéance uniquement pour ces produits ou ces services.

Il convient, en outre, de rappeler que l’article 58, paragraphe 2, du règlement no 2017/1001 vise à éviter qu’une marque utilisée de manière partielle jouisse d’une protection étendue au seul motif qu’elle a été enregistrée pour une large gamme de produits ou de services. Ainsi, lors de l’application de cette disposition, il y a lieu de tenir compte de l’étendue des catégories de produits ou de services pour lesquelles la marque antérieure a été enregistrée, notamment de la généralité des termes employés à cette fin pour décrire lesdites catégories, et ce au regard des produits ou des services dont l’usage sérieux a, par hypothèse, effectivement été établi [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, points 42 à 44].

La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et leurs services dans la vie économique [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 20 et jurisprudence citée].

Il y a lieu de relever que le consommateur désireux d’acquérir un produit ou un service relevant d’une catégorie de produits ou de services ayant été définie de façon particulièrement précise et circonscrite, mais à l’intérieur de laquelle il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives, associera à une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services l’ensemble des produits ou des services appartenant à celle-ci, de telle sorte que cette marque remplira sa fonction essentielle de garantie de l’origine de ces produits ou de ces services. Dans ces circonstances, il est suffisant d’exiger du titulaire d’une telle marque d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour une partie des produits ou des services relevant de cette catégorie homogène. En revanche, en ce qui concerne des produits ou des services rassemblés au sein d’une catégorie large, susceptible d’être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes, il est nécessaire d’exiger du titulaire d’une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour chacune de ces sous-catégories autonomes, à défaut de quoi il sera susceptible d’être déchu de ses droits à la marque pour les sous-catégories autonomes pour lesquelles il n’a pas apporté une telle preuve (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, points 42 et 43).

Si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque antérieure de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits ou services » au sens de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes [voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2005, ALADIN, T‑126/03, EU:T:2005:288, point 46, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma  (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 24].

En ce qui concerne le ou les critères pertinents à appliquer aux fins de l’identification d’une sous-catégorie cohérente de produits ou de services susceptible d’être envisagée de manière autonome, la Cour a jugé, en substance, que le critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause constitue un critère essentiel aux fins de la définition d’une sous-catégorie autonome de produits (voir arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 44 et jurisprudence citée).