Mise à jour du 31 mai 2023 : La cession globale des oeuvres futures
Qu’est-ce que droit d’auteur ?
Le droit d’auteur s’applique à l’œuvre quelle qu’elle soit, il est donc extrêmement large. Le droit d’auteur peut concerner l’œuvre d’un écrivain par un livre, l’œuvre d’un groupe de musique ou d’un musicien par une composition musicale, l’œuvre d’un photographe par une photographie… L’œuvre doit pouvoir présenter un caractère original et exprimer ainsi la personnalité de son auteur.
Le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) définit le droit d’auteur, dans le cadre de la propriété littéraire et artistique. Le droit d’auteur sur une œuvre confère à son auteur des droits moraux et patrimoniaux. Le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) prévoit donc dans ses articles L. 121-1 et L. 121-2, le droit à son titulaire de contrôler la divulgation de l’œuvre, un droit à la paternité de l’œuvre, ainsi qu’un droit au respect de l’œuvre et le droit de retrait.
Régi par la loi du 11 mars 1957, le droit d’auteur est appliqué automatiquement à partir du moment où l’œuvre a été réalisée et sans formalité particulière. En revanche, l’auteur doit pouvoir apporter la preuve de l’originalité de son œuvre mais également du fait qu’il est propriétaire de son œuvre. La preuve peut être apportée par tout moyen, celle-ci doit être cependant datée.
L’existence d’un dépôt ou d’un enregistrement de l’œuvre permet notamment dans le cadre d’un contentieux de faciliter la preuve de la paternité et la date de création de l’œuvre. Ainsi, l’auteur peut s’identifier comme créateur d’une œuvre auprès :
– D’un huissier de justice ou d’un notaire,
– De l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI),
– D’une société de perception et de répartition des droits.
Voir aussi : sur le droit d’auteur :
https://roquefeuil.avocat.fr/droit-dauteur-titre-de-livre-de-groupe-de-musique-protegeable
Droit d’auteur : la rémunération
La rémunération en droit d’auteur est versée en contrepartie de l’exploitation des droits patrimoniaux de celui-ci sur la propriété immatérielle de ses œuvres. Celle-ci concerne la création d’une œuvre, et non la coordination de celle-ci.
Les droits d’auteur vont rémunérer par exemple la commercialisation d’une application, la conception de designs web, ou tout autre œuvre artistique.
Le droit d’auteur propose une forme de rémunération plutôt avantageuse pour ses bénéficiaires. En effet, le droit d’auteur n’est pas concerné par les cotisations de sécurité sociale.
Rémunération du travail et versement de droit d’auteur, l’enjeux a son importance pour les services fiscaux. En effet, ces derniers ont pour mission de contrôler le bon respect de la législation en vigueur. Dans le cas où les services fiscaux s’apercevraient d’un abus ou d’un non-respect des règles applicables en la matière, ils pourraient être amené à requalifier les droits d’auteur en revenus de travail. Par conséquent, les revenus seraient imposables de la même façon qu’un salaire.
Pour que des revenus soient bien considérés comme droits d’auteur, il convient que ceux-ci ne constituent qu’un simple revenu supplémentaire.
Le Code du travail prévoit le cumul d’une rémunération pour activité salariée et la rémunération en droit d’auteur pour l’exploitation d’une œuvre.
En effet, le règlement d’une contrepartie de droit d’auteur n’est pas soumis au paiement de cotisations sociales contrairement au versement d’une rémunération de travail.
La Cour de Cassation a d’ailleurs précisé dans une décision du 20 décembre 2019 que « dans le cadre d’une telle contestation, l’employeur doit justifier du fait que la somme qu’il qualifie de droit d’auteur n’est pas un salaire. En l’espèce, une société de production d’une émission a versé des droits d’auteur à l’un de ses salariés ayant participé à sa conceptualisation ». Ainsi, la Cour a considéré que « l’employeur ne parvenait pas à démontrer que le concept de l’émission constituait une œuvre originale éligible à la protection du droit d’auteur. Dès lors, la rémunération versée à son salarié ne pouvait être qualifiée de droit d’auteur mais correspondait à un salaire soumis au paiement de cotisation sociale ».
En conclusion, un salarié peut cumuler une rémunération due à un salaire et une rémunération sous la forme de droits d’auteur. Toutefois, les deux rémunérations doivent être distinguées. Une note d’auteur doit pouvoir formaliser la rémunération des droits d’auteur.
Un contrat de travail signé entre l’employeur et le salarié permet de formaliser les deux rémunérations différentes, grâce à une clause de cession des droits d’auteur. Cette clause doit être précise et juste. En effet, la clause doit bien mentionner une rémunération en échange de droits d’auteur. Cette clause est sécurisante pour l’employeur comme pour le salarié. Dans le cas où l’employeur exploiterait les œuvres n’ayant pas été cédées, l’auteur pourra poursuivre son employeur pour une action en contrefaçon.
Percevoir des droits d’auteur nécessite de rédiger des conventions et d’en déterminer un pourcentage. De plus, un suivi comptable précis doit être mis en place.
Rémunération au titre du contrat de travail et rémunération au titre des droits d’auteur
Ce qui relève du contrat de travail, du lien de subordination, c’est la rémunération du nombre d’heures de travail. Le droit d’auteur, lui, ne rémunère pas ces heures, mais récompense le succès de l’œuvre, tel qu’il est manifesté par sa commercialisation ou d’autres critères.
L’auteur est le créateur et donc le premier titulaire des droits. La règle est posée par le législateur : « l’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code » (C. prop. intell., art. L. 111-1, al. 3).
L’employeur doit en principe conclure un contrat de cession de droits d’auteur, pour acquérir et exploiter ces droits, sauf exception légale.
En effet, la loi prévoit des cas de cession automatique ou des présomptions de cession.
L’article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit aussi une titularité des droits d’auteur ab initio au profit de l’instigateur de l’œuvre (« l’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée ») (arrêt Aero Cass. civ. 1, 24 mars 1993, n° 91-16.543) (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 15 janvier 2014, n° 11/21191).
Le contrat de cession des droits d’auteur
L’employeur qui recrute un salarié pour créer une œuvre originale peut ignorer qu’il n’est pas titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre. Il est inexact de penser que lorsque la mission du contrat de travail est la création, la cession est implicite, comme en matière de copyright.
Lorsqu’un contrat de travail est conclu, une clause de cession des droits d’auteur doit être prévue, selon laquelle le salarié auteur s’engage à céder au fur et à mesure de l’élaboration de son œuvre les droits sur les créations contre rémunération. Ce type de clause sécurise la relation entre les deux parties. Le non respect de la clause peut avoir un impact sur la relation de travail. Elle n’organise pas la cession globale d’œuvres futures, mais constitue un engagement de faire, d’accorder une cession de droits d’auteur une fois l’œuvre réalisée. Cette clause peut faire l’objet d’accords collectifs.
L’employeur doit donc solliciter régulièrement son salarié pour lui faire signer des conventions de cession des droits. Des régimes spéciaux existent néanmoins : développeurs informatiques, journalistes, etc…
Voir aussi : La cession des droits d’auteur
Contrefaçon : comment réagir ?
Cas du journaliste de presse :
Le journaliste est rémunéré par du salaire ou du droit d’auteur. C’est l’accord collectif qui définit l’étendue de la rémunération en salaire. Au delà, il s’agit sauf exception d’une rémunération du droit d’auteur.
Il existe néanmoins une présomption de salariat posée par l’article L7111-3 du code du travail. Une cession automatique des droits d’auteur à l’employeur est aussi prévue (L132-36 du code de la propriété intellectuelle) dans un périmètre à géométrie variable. Au delà de ce périmètre la cession de droits doit être consentie.
Il convient donc de vérifier le régime applicable au cas par cas.
La cession globale des oeuvres futures
Le droit d’auteur permet de récompenser le succès de l’oeuvre, sa rémunération est liée au succès de l’oeuvre, et non à la durée ou à la quantité du travail fourni.
Le contrat de travail prévoit la rémunération de la durée du travail fourni.
Le contrat de cession ou de licence de droit d’auteur prévoit la rémunération du droit d’auteur (ou royalty), et permet l’exploitation de l’oeuvre.
Le contrat de travail peut-il prévoir une clause de cession globale des oeuvres futures ? Cela permettrait d’éviter d’avoir à conclure un contrat de cession de droit d’auteur pour des oeuvres non encore réalisées par le salarié, en plus du contrat de travail.
Le principe est l’interdiction de la cession globale des oeuvres futures.
Mais, et c’est l’enseignement de l’arrêt qui suit, le contrat de travail peut prévoir une cession non globale des oeuvres non futures !
La clause de cession de droits figurant au contrat de travail est valable, quand elle vise des œuvres déterminables et individualisables, celles réalisées par la salariée dans le cadre de son contrat de travail, au fur et à mesure de leur réalisation. Ainsi, elle n’encourt pas le grief de cession globale d’œuvres futures en application de l’article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle, puisqu’elle ne vise pas globalement les œuvres objets de la cession et qu’elle porte sur des œuvres réalisées, la cession n’opérant qu’au fur et à mesure de la réalisation.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 25 janvier 2023, 19/15256
Mme [A] [H] c. OLT SAS
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 5 juill. 2019, 17/09426)
Cas du logiciel
Article L113-9 code de la propriété intellectuelle
Version en vigueur depuis le 01 janvier 2020
Modifié par Ordonnance n°2019-964 du 18 septembre 2019 – art. 35 (VD)
Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer.
Toute contestation sur l’application du présent article est soumise au tribunal judiciaire du siège social de l’employeur.
Les dispositions du premier alinéa du présent article sont également applicables aux agents de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif.
Conformément à l’article 36 de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2020.
I – Qualité d’employé
§ 1 Salarié
La notion d’« employé » mentionnée dans le texte désigne exclusivement le salarié, défini comme une personne employée dans une entreprise. Par conséquent, un stagiaire ne peut être considéré comme un employé au sens de cette disposition.
Dérogation éventuelle :
Article L113-9-1
Création Ordonnance n°2021-1658 du 15 décembre 2021 – art. 2
Sauf stipulations contraires, lorsque des personnes qui ne relèvent pas de l’article L. 113-9 et qui sont accueillies dans le cadre d’une convention par une personne morale de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche créent des logiciels dans l’exercice de leurs missions ou d’après les instructions de la structure d’accueil, leurs droits patrimoniaux sur ces logiciels et leur documentation sont dévolus à cette structure d’accueil, seule habilitée à les exercer, si elles se trouvent à l’égard de cette structure dans une situation où elles perçoivent une contrepartie et où elles sont placées sous l’autorité d’un responsable de ladite structure.
Toute contestation sur l’application du présent article est soumise au tribunal judiciaire du siège social de la structure d’accueil.
II – Fonctions ou instructions
§ 2 Rattachement de la création à l’activité du salarié
Pour qu’une création de logiciel soit considérée comme rattachée à l’activité d’un salarié, elle doit être directement liée à ses fonctions. Par exemple, un cadre non informaticien, chargé de la gestion et de la maintenance de plusieurs sites informatiques ainsi que de l’apport de solutions techniques aux clients, peut voir sa création de logiciel rattachée à ses missions.
Toute création réalisée par un salarié dans le cadre de ses fonctions est réputée effectuée dans le cadre d’une mission inventive précisée par son contrat de travail ou à la suite d’études ou recherches explicitement confiées par l’employeur.
Il a également été jugé que les droits sur un logiciel reviennent à l’employeur, même si ce logiciel a été conçu en dehors des heures de travail, dès lors qu’il a été développé à l’aide du matériel de l’entreprise, impliquant ainsi le concours de celle-ci.
§ 3 Idée de création insuffisante
Le simple fait qu’un salarié ait réfléchi à une création avant son embauche ne lui confère aucun droit particulier sur cette œuvre. Ce n’est qu’à partir de la réalisation effective, et dans le cadre de ses fonctions, que les droits peuvent être revendiqués.
III – Droit à indemnité
§ 4 Absence de droit à indemnité
Un salarié ayant créé un logiciel ne peut prétendre au paiement de redevances pour l’exploitation de son œuvre par l’employeur.
À noter : Le décret relatif à l’intéressement de certains fonctionnaires et agents de l’État peut apporter des précisions dans certains cas spécifiques.
IV. Principes généraux
- L’auteur du logiciel :
- L’auteur est par défaut la personne physique ayant créé le logiciel. Il bénéficie des droits d’auteur dès la création, même si le logiciel a été produit dans un contexte professionnel.
- L’originalité reste un critère fondamental pour reconnaître la protection par le droit d’auteur. Elle se base sur l’empreinte personnelle de l’auteur dans le logiciel.
- Œuvre collective ou collaborative :
- Un logiciel peut être qualifié d’œuvre collective (lorsque l’ensemble des contributions individuelles se fond dans une œuvre unique, réalisée sous la direction d’une personne physique ou morale).
- Dans le cas d’une œuvre collaborative, chaque auteur conserve des droits distincts sur sa contribution identifiable.
V. Titularité des droits dans un cadre salarié
- Cession des droits à l’employeur :
- Lorsqu’un logiciel est créé dans le cadre des fonctions d’un salarié ou selon les instructions de l’employeur, les droits patrimoniaux sont automatiquement transférés à l’employeur, sauf stipulations contraires.
- Le salarié conserve néanmoins un droit moral, mais celui-ci est limité (ex. il ne peut pas s’opposer à des modifications nécessaires pour le fonctionnement ou l’exploitation du logiciel).
- Documentation liée au logiciel :
- La documentation et les manuels d’utilisation liés à un logiciel suivent le même régime juridique que le logiciel lui-même. Cela évite qu’ils soient régis par des règles différentes.
- Jurisprudence et application :
- Les tribunaux ont statué sur plusieurs cas où la contribution d’un salarié ou d’un tiers a été examinée pour déterminer si des droits d’auteur s’appliquent ou si une cession implicite à l’employeur était valide.
VI. Collaborations et créations partagées
- Œuvres de collaboration :
- Plusieurs personnes physiques peuvent contribuer à la création d’un logiciel, mais il faut démontrer une intention commune et des efforts coordonnés pour que le logiciel soit qualifié d’œuvre collaborative.
- La simple participation à des discussions ou la fourniture d’idées générales ne suffit pas à accorder un statut de co-auteur.
- Œuvres collectives :
- Si les contributions individuelles ne sont pas distinguables, le logiciel peut être qualifié d’œuvre collective. Dans ce cas, les droits reviennent au promoteur de l’œuvre, souvent une personne morale.
- Cas particulier des commanditaires :
- Lorsqu’un logiciel est développé sur commande, les droits ne sont transférés au commanditaire que si une cession expresse a été conclue dans un contrat.
VII. Automatisation et intelligence artificielle
- Création assistée par ordinateur :
- Le développement de logiciels implique souvent des outils automatisés. Cela peut brouiller la perception de la contribution humaine et soulève des questions sur la titularité des droits.
- La jurisprudence actuelle considère néanmoins que l’humain reste central dans le processus créatif, et les œuvres « créées » par une machine sont toujours attribuées à une personne physique.
- Limites actuelles :
- Les débats sur l’intelligence artificielle et la génération automatisée de contenu montrent que le droit d’auteur doit évoluer pour prendre en compte ces nouvelles réalités.
VIII. Spécificités juridiques liées aux logiciels
- Différences avec les œuvres classiques :
- Contrairement aux œuvres littéraires ou artistiques, les fonctionnalités d’un logiciel ne sont pas protégées par le droit d’auteur. Seul le code source, considéré comme une expression originale, peut l’être.
- Les versions successives d’un logiciel peuvent être considérées comme des œuvres dérivées, à condition qu’elles contiennent des éléments originaux.
- Notion d’œuvre composite :
- Un logiciel incorporant des éléments préexistants peut être qualifié d’œuvre composite, mais uniquement si l’emprunt porte sur des éléments protégés par le droit d’auteur.
IX. Encadrement légal et international
- Conformité aux directives européennes :
- La loi française s’aligne sur les directives européennes, notamment la directive 91/250/CEE (remplacée par la directive consolidée 2009/24/CE). Ces directives harmonisent les règles sur la protection des logiciels au sein de l’Union européenne.
- Mise en œuvre pratique :
- Les litiges en droit d’auteur concernant les logiciels sont souvent complexes et impliquent une analyse des contrats, des contributions des différents participants, et du respect des règles spécifiques du CPI.